Les colorants alimentaires pour mélanger les couleurs : le point en janvier 2022...
Les colorants alimentaires (liquides) sont des produits de choix pour étudier les mélanges de couleurs. Ils présentent en effet le double avantage d’être peu couteux et disponibles en magasins. Lors de la rédaction de notre page sur les mélanges de matières colorées, un fabricant avait retenu notre attention en raison des trois couleurs proposées, très proches des primaires jaune, cyan et magenta. Vendu sous la marque « Vahiné » (mais aussi sous des marques distributeurs, voir plus loin), ce jeu de trois colorants permettait d’observer les règles de mélange des couleurs primaires deux à deux, mais également de créer sur une surface de lait, de magnifiques tableaux colorés évolutifs.
Or ce fabriquant a récemment remplacé ses colorants de synthèse jaune et « rouge » (on verra plus loin qu’il s’agit plutôt de rouge-magenta), suspectés d’avoir des effets indésirables sur la santé, par deux colorants « naturels ». Si cette nouvelle recette est éventuellement bénéfique pour la santé des consommateurs, elle modifie sensiblement les résultats des expériences colorées que l’on peut faire avec. On fait le point avec vous sur cette page.
Nouvelle versus ancienne composition
Dans les anciens tubes de la marque Vahiné (à gauche sur l’image), on trouve trois colorants de synthèse : l’azorubine ou carmoisine (E122), la tartrazine (E102) et le bleu brillant FCF (E133). L’azorubine et la tartrazine sont deux colorants dits azoïques classés par le magazine Que Choisir dans la catégorie 4 « A éviter » (le bleu brillant FCF est lui classé dans la catégorie 2 « Tolérable, vigilance pour certaines populations »). Il est d’ailleurs précisé sur l’emballage pour ces deux colorants qu’ils peuvent « avoir des effets indésirables sur l’activité et l’attention chez les enfants. »
Sur l’emballage des nouveaux tubes commercialisés par la marque, le colorant « rouge » E122 est devenu « carmins » (E120) et le colorant « jaune » E102 est devenu «
lutéine » (E161B). Le colorant « bleu » est par contre inchangé. Outre le fait que les numéros ont été remplacés par des noms écrits en toute lettre, sans doute pour rassurer le consommateur, les
deux colorants azoïques ont été remplacés l’un par la lutéine, qui est un colorant naturel de la famille des Xanthophylles sans effet nocif connu sur la santé, et l’autre par les carmins, qui
sont obtenus à partir d’extraits de cochenilles (mais pas seulement : ils sont d’ailleurs classés dans la catégorie 3 « Peu recommandable » par le magazine Que Choisir).
Dépôt sur un support absorbant blanc
Commençons par déposer quelques gouttes de ces colorants alimentaires sur un support absorbant blanc, par exemple ici trois gouttes sur une feuille d’essuie-tout. Ce qui saute aux yeux quand on compare les anciens colorants (à gauche) et les nouveaux (à droite), c’est l’étalement plus réduit des nouveaux colorants, en particulier le « rouge ». Nous retrouverons ce problème pour les expériences de mélange des couleurs à la surface du lait. Les couleurs elles-mêmes semblent assez proches entre les anciens et les nouveaux « rouges » et jaunes, les différences d’étalement rendant une comparaison précise difficile. Le colorant « bleu » (inchangé dans les deux lots) est en tous cas proche d’un cyan, et les colorants « rouges » sont intermédiaires entre un rouge et un magenta (ce qui explique nos guillemets sur les noms affichés de ces colorants).
Mélange de couleurs à « égalité » dans de l'eau
Reproduisons ensuite l’expérience des mélanges de ces différents colorants « à égalité » dans de l’eau. Si on regarde les verres dans lesquels on a mis un seul colorant (pas de mélange), le nouveau « rouge » semble plus magenta que l’ancien, et le nouveau jaune semble un peu plus sombre que l’ancien (photos de gauche et du milieu). Les liquides sont aussi plus troubles avec les nouveaux colorants. Avec la nouvelle formule, on obtient un beau bleu en mélangeant les colorants « rouge » et « bleu » (en réalité plutôt magenta et cyan), une couleur proche du rouge en mélangeant les colorants « rouge » et jaune (en réalité plutôt magenta et jaune), en accord avec ce qu’on peut trouver par exemple avec des filtres colorés jaune, cyan et magenta. Pour le mélange des colorants jaune et « bleu » (en réalité plutôt jaune et cyan), la couleur obtenue est plus proche d’un bleu-vert avec la nouvelle formule, que du vert moyen obtenu avec l’ancienne formule. En doublant le nombre de gouttes dans chaque verre (photo de droite) et donc la concentration en colorants, on obtient un vert sombre.
Les colorants liquides « nouvelle formule » restent donc pertinents pour étudier les règles de mélanges des couleurs, et pour comparer ces résultats avec ceux obtenus avec d’autres mediums (filtres colorés, feutres, gouaches, pâtes à modeler, etc.). Le tableau de recettes colorées n’a d’ailleurs été que très peu modifié par le fabriquant entre ses colorants ancienne et nouvelle formules.
Mélange de colorants alimentaires sur du lait
C’est surtout quand on souhaite mélanger les colorants alimentaires sur une surface de lait que les choses se compliquent avec les colorants « nouvelle formule ». Sur l’image ci-contre, nous avons versé du lait dans une assiette, puis déposé trois gouttes de chacun des colorants à la surface. Les colorants sont ensuite mélangés progressivement en remuant le lait avec une cuillère. Avec l’ancienne formule (photos de gauche), les trois colorants donnent des disques de tailles comparables avant mélange, et de belles couleurs « mélange » se développent ensuite sur la surface (notamment du vert là où le jaune et le « bleu » se mélangent). Avec la nouvelle formule (photo de droite), les disques « rouge » et jaune sont moins grand que le disque « bleu » avant mélange (pourtant nous avons bien laissé tomber le même nombre de gouttes de chaque colorant) et le colorant « bleu » domine largement les couleurs en surface quand on déplace le lait. L’apparition de nouvelles couleurs « mélange » reste donc malheureusement très limité.
Quelles alternatives ?
Devant l’échec de cette dernière expérience, nous avons cherché à savoir si d’autres types de colorants alimentaires vendus en magasins permettaient d’obtenir de meilleurs résultats. Nous avons en particulier testé les colorants « bleu », « rouge » et « jaune » vendus sous la marque Sainte-Lucie.
La liste d’ingrédients mentionnée par le fabricant est la suivante : « Colorant liquide jaune : eau, colorants : E102, E124, acidifiant : E330, conservateur : E211. Colorant liquide rouge : Eau, colorants : E122, E124, acidifiant : E330, conservateur : E202. Colorant liquide bleu : Eau, colorant : E132. » Il est aussi précisé que « les E122, E124, E102 peuvent avoir des effets indésirables sur l'activité et l'attention chez les enfants. » Les colorants utilisés sont donc, comme pour les tubes de colorants Vahiné ancienne formule, des colorants de synthèse. On retrouve les colorants E102 (« jaune ») et E122 (« rouge »), auxquels on a ajouté le colorant E124, colorant rouge ponceau 4R ou rouge cochenille A qui est un autre colorant azoïque. Le colorant « bleu » est un mélange de carmin d’indigo (E132) et de E102.
Bonne nouvelle : quand on dépose quelques gouttes de ces colorants sur un papier blanc absorbant, elles s’étalent correctement et forment des disques colorés de tailles environ identiques (photo de droite). Par contre, les couleurs obtenues sont très éloignées des couleurs primaires « idéales » jaune, cyan et magenta. Le « jaune » est orangé, (normal, c’est un mélange de E102, jaune, et de E124, rouge), le « bleu » est un bleu-vert très pâle (normal, c’est un mélange de E132, bleu, et de E102, jaune), et le « rouge » est plus proche d’un rouge que d’un magenta (normal, c’est un mélange de E122, rouge-magenta, et de E124, rouge).
Ces trois couleurs étant éloignées des couleurs primaires, on ne peut pas les utiliser pour étudier facilement les règles de la synthèse soustractive. Aussi, le colorant « bleu » semble avoir un pouvoir colorant très faible : les mélanges « bleu » - « jaune » et « bleu » - « rouge » à égalité sont respectivement très proches des colorants « jaune » et « rouge » de départ. Il faut par exemple un mélange avec 4 fois plus de « bleu » que de « jaune » pour commencer à se rapprocher d’un vert (photo de droite) !
Déposés à la surface du lait, les colorants s’étalent correctement, ce qui confirme les résultats obtenus sur l’essuie-tout. Mais, comme pour les mélanges à égalité dans les verres, le « rouge » domine les autres couleurs, et la diversité de couleurs « mélange » qui se développent reste malheureusement limitée.
On trouve également dans les magasins des colorants alimentaires liquides vendus sous marque distributeur. Mais nous n’avons malheureusement à ce jour pas trouvé de jeu de colorants permettant de faire l’expérience à la surface du lait dans de bonnes conditions. Chez Système U, ce sont trois colorants « naturels » qui sont vendus, avec du vert à la place du bleu. Chez Leclerc et Auchan, les lots de trois colorants « rouge », « jaune » et « bleu » ont une composition strictement identique à ceux des colorants Vahiné nouvelle formule (ils sont donc certainement issus du même fabriquant). Si vous connaissez une solution alternative, n’hésitez pas à la partager avec nous en envoyant un message à couleurs.lumiere@yahoo.com !
