L'expérience de mélanges de lumières colorées montre comment on peut obtenir différentes couleurs "lumière" par synthèse additive à partir des trois primaires ROUGE, VERT, BLEU. L'observation à la loupe des pixels d'un écran lumineux permet d'en voir une application pratique quotidienne. Mais contrairement aux lumières des spots qui se mélangent sur l'écran qu'on observe, celles des pixels sont séparées dans l'espace au moment de leur émission et c'est bien notre système de vision qui les mélange : c'est ce qu'on appelle le mélange optique. Voyons ici comment.
Protocole
On propose d'utiliser l'animation ci-dessous (© Louis Mallet-Burgues).
Observations
Comment le mélange optique opère-t-il et avec quelle règle de mélange des couleurs ?
Lorsqu'on observe l'écran, l'oeil forme l'image des carrés colorés en les reproduisant (plus ou moins fidèlement) sur la rétine, sous forme de taches de lumière colorée. Si les taches de lumière provenant de carrés différents se forment sur des capteurs (cônes) différents, l'oeil est capable de les différentier : on dit qu'ils sont résolus. Dans le cas contraire le mélange optique opère : un capteur recevant de la lumière provenant de plusieurs carrés colorés sera sensible à l'addition des différents spectres lumineux reçus. La couleur perçue correspond alors à la synthèse additive des différentes couleurs reçues.
Les schémas précédents (où les angles ont été volontairement exagérés pour améliorer la lisibilité) montrent que la distance entre les taches obtenues sur la rétine est d'autant plus petite que les carrés de l'écran sont petits (donc ici rapprochés) ou qu'on les regarde de loin : elle est déterminée par l'angle sous lequel le centre de deux carrés adjacents est observé. Cela explique pourquoi, si le mélange optique ne se fait pas de près, il se fera en s'éloignant suffisamment de l'écran.
Un autre phénomène, schématisé ci-dessous, peut provoquer le mélange optique. En entrant dans l’œil, la lumière émise par chaque point de l'écran ne converge pas exactement en un point de la rétine, en particulier parce qu'elle est diffractée par la pupille (contour de l'iris) : une tache de lumière se forme, d'autant plus large que la pupille est petite. Si on observe l'écran d'assez loin, les images sur la rétine, même provenant d'un point de l'écran, forment des taches de lumière qui se recouvrent en partie, ce qui crée aussi une synthèse additive.
A quelle condition le mélange optique opère-t-il ?
Ces différents phénomènes (entre autres) sont responsables de ce qu'on appelle la limite de résolution de l’œil, qui nous
empêche de percevoir de très petits détails dans une image. Pour se rendre compte de cette limite et la chiffrer, il suffit de tenir devant soi une feuille
de papier millimétré et de l'éloigner peu à peu de ses yeux : si on a une vision normale et si la luminosité est suffisante, on peut en distinguer les graduations jusqu'à une distance de 3 m
environ. Au-delà la feuille parait uniforme. La même chose se passe pour les pixels de l'écran, qu'on ne peut pas distinguer à l’œil nu car ils sont trop petits, à moins de regarder l'écran de
très près avec une loupe. Par exemple pour un écran 16 pouces comportant 1920 pixels sur une largeur de 35 cm, chaque pixel mesure environ 35 cm / 1920 =
0,18 mm, soit 6 fois moins qu'une graduation de papier millimétré. La limite de résolution pour les pixels s'observe donc à environ 3 m / 6 = 50 cm, ce qui correspond à la distance usuelle
d'observation d'un écran d'ordinateur.
Pourquoi les couleurs obtenues dans cette expérience semblent-elles sombres ?
La teinte obtenue à la fin de l'animation peut sembler plus sombre que celle attendue par le mélange additif des couleurs choisies au départ. Par exemple, le mélange de ROUGE et de VERT donne une teinte "jaune olive" plutôt que JAUNE. Ceci est dû au fait que l'animation associe à chaque pixel (triade RVB) de l'écran une des couleurs choisies, par exemple du ROUGE pour certains pixels, du VERT pour d'autres, et non à la fois du ROUGE et du VERT pour chaque pixel. Il y a donc plus de zones noires que si on avait fait afficher par chaque pixel la teinte JAUNE = ROUGE + VERT. C'est ce que montrent ces images de l'écran prises au microscope USB, où on a ajouté des lignes blanches pour délimiter chaque pixel. Par contraste avec le contour blanc de l'image, où les trois émetteurs RVB de chaque pixel sont allumés, la teinte obtenue apparait sombre, mais elle a bien la tonalité attendue.
Pour vous en convaincre : observez l'image obtenue après mélange optique à travers un tube opaque (pour ne pas percevoir les autres couleurs alentour, plus lumineuses) : elle ne vous semblera plus si sombre !
Mélange optique et pointillisme
Plutôt que de faire des mélanges de pigments sur leur palette, les peintres pointillistes juxtaposent de petites touches de peinture de différentes couleurs. On lit parfois que le but serait d'obtenir des teintes à la fois plus lumineuses et plus contrastées :
- plus lumineuses en profitant de la synthèse additive sur
laquelle se base le mélange optique, alors que le mélange de pigments suit les règles de la synthèse soustractive et tend
donc à diminuer la luminosité des teintes
- plus contrastées en profitant de l'effet de contraste simultané, qui fait voir une teinte différente en fonction de son environnement.
Ceci peut paraitre contradictoire vu que le mélange optique nécessite de se placer assez loin de l’œuvre pour que les touches de pinceau ne se distinguent plus, alors que le contraste simultané n'opère que si les touches sont résolues. Dans les conditions habituelles d'observation des tableaux, les touches de peinture sont en général trop grandes pour qu'on puisse réellement parler de mélange optique, sauf dans certains tableaux, notamment ceux de Signac, où les points sont vraiment petits. Aussi, si les pointillistes avaient cherché à utiliser précisément le principe de la synthèse additive, n'auraient-ils pas dû restreindre leur palette aux trois seules couleurs ROUGE, VERT et BLEU, primaires de cette synthèse ?
Le mélange optique en imprimerie
Lorsqu'on observe de très près une affiche publicitaire par exemple, on arrive parfois à voir que l'image imprimée est constituée d'une trame régulière, faite de taches colorées juxtaposées, qui parfois se superposent en se mélangeant. On a alors affaire à la fois à une synthèse additive des couleurs juxtaposées (si on s'éloigne suffisamment de l'affiche pour ne plus résoudre la trame) et une synthèse soustractive des couleurs superposées (si les pigments se mélangent).