Est-ce que nos yeux et notre appareil photo voient les couleurs de la même façon ? La plupart du temps, nous pouvons juger que le rendu des couleurs donné par une photographie est assez bon, si on prend garde de bien régler la balance des couleurs de notre appareil numérique. Mais si on photographie la lumière assez particulière d'un spectre obtenu par dispersion d'une lumière blanche à travers un prisme ou un réseau, on peut avoir des surprises : les couleurs vues directement avec nos yeux peuvent être très différentes de celles révélées par la photographie. Alors qu'en vision directe on perçoit un dégradé continu d'une infinité de couleurs (ce qu'on ne peut pas montrer ici puisqu'on est contraint à passer par la photographie pour montrer une image sur un écran !) la photographie montre parfois un petit nombre de bandes colorées, souvent trois (rouge, vert, bleu) voire cinq (avec le jaune et le cyan) comme vous pouvez le voir dans les exemples de photographies ci-dessous. Conserver sur une photographie le fin dégradé de couleurs spectrales vu à l'oeil est quasi-impossible ! D'ailleurs faites une recherche sur internet : toutes les images de spectres que vous y trouverez sont calculées et non photographiées. Pourquoi un appareil photographique, même de très bonne qualité, n'arrive-t-il pas à percevoir un dégradé de teintes aussi fin que celui que nous voyons à l'oeil nu ? Pourquoi n'a-t-on pas ce problème quand on photographie un arc-en-ciel, qui montre un dégradé de couleurs spectrales aussi bien à l'oeil nu qu'en passant par un appareil photo ?
Spectre d'une lampe halogène réalisé avec un réseau de diffraction et une fente fine (pour que
les couleurs soient très pures), photographié par un reflex numérique.
Spectre d'une lampe halogène réalisé avec un réseau de diffraction et une fente assez large (les couleurs ne sont donc pas très pures), photographié par un smartphone.
Spectre d'une lampe halogène réalisé avec un prisme de verre (dont la dispersion est plus forte du côté bleu du spectre que du
côté rouge) et une fente fine, photographié à l'aide d'un reflex numérique.
Spectre du soleil réalisé avec une bassine d'eau et un miroir, photographié par un smartphone.
Arc-en-ciel photographié par un reflex numérique
Pour réaliser cette expérience vous même, vous devez projeter un spectre à l'aide d'un réseau de diffraction (boutique), d'un
prisme de verre (si vous en avez un) ou d'une bassine avec un miroir et de l'eau (pour réaliser un prisme à eau). Vous
pourrez comparer les résultats obtenus en utilisant ou non une fente fine pour réaliser un fin pinceau de lumière et ainsi obtenir une bonne dispersion de la lumière, nécessaire pour que les
couleurs obtenues soient presque pures (monochromatiques). Prenez ensuite le spectre obtenu en photo.
Si vous disposez d'une feuille réseau de diffraction, le plus simple est de caler cette feuille contre l'objectif de votre appareil photo numérique, de viser et faire la mise au point sur un petit trou ou une petite fente (orientée parallèlement aux traits du réseau) percée dans un écran face à une source de lumière (soleil ou lampe à incandescence). Un spectre doit alors apparaitre de part et d'autre du trou visé.
Avec un logiciel de traitement de photo, on peut séparer les couches R, V et B dont est constituée l'image numérique en
couleurs. Certains logiciels permettent aussi de tracer la courbe correspondant au profil d'intensité (valeur R, V et B de chaque pixel). Par exemple avec le logiciel libre
ImageJ il suffit de tirer un trait (ici horizontalement) sur l'image puis d'aller dans le menu analyze - plot profile. Si on considère que l'image prise par l'appareil photo est bien un spectre
constitué de couleurs lumière pures, et que la lumière utilisée a un spectre plat c'est à dire une puissance d'émission indépendante de la longueur d'onde (ce qui est discutable ici puisqu'on a
utilisé une lampe halogène, émettant plus de lumière du côté rouge que du côté bleu), on peut considérer que les courbes obtenues représentent les réponses spectrales des trois composantes du
capteur RVB de l'appareil photo numérique.
Les résultats montrent un recouvrement entre les zones correspondant aux trois couleurs primaires plus faible que celui connu pour les trois cônes de l'oeil, ce qui peut expliquer pourquoi la photographie numérique fait apparaitre moins
de dégradé de couleurs que ce qu'on observe à l'oeil nu lorsqu'on regarde une lumière pure spectralement.
Lorsqu'on prend en photo un arc-en-ciel ou un "spectre" réalisé avec une source de lumière large (donc sans regarder à travers un petit trou), les couleurs obtenues ne sont pas tout à fait pures, c'est sans doute pourquoi ce qu'on observe à travers notre appareil photo est assez proche de ce qu'on observe à l'oeil nu.